La dissertation

 

LES FORMES DE RAISONNEMENT

PROUVER ET DEMONTRER

 

 

 

 

 


L’un des objectifs premiers du texte argumentatif est d’offrir une thèse et de prouver que l’on a raison. Il s’agit alors de persuader et de convaincre le lecteur. Or comment persuader et convaincre ?

 

Convaincre c’est justifier la thèse que l’on a choisie pour la faire adopter par l’autre. Les arguments utilisés doivent donc être logiques et rationnels, et ils peuvent être appuyés par des exemples irréfutables.

 

Persuader c’est s’adresser davantage aux désirs inconscients et irrationnels de l’individu, plutôt qu’à sa raison ou à ses intérêts bien compris.

 

 

 

1.Voici une liste des différents types d’arguments que vous pouvez utiliser

 

 

1)    Argument d’autorité : c’est un argument irréfutable qui fait référence à une autorité religieuse, politique, morale, littéraire ou autre...

 

2)    Argument de causalité : on montre que, selon les lois du déterminisme, tel fait entraîne telle conséquence. C’est un peu comme une démonstration mathématique (si a = b et si b = c alors on peut en tirer comme conséquence que a = c).

 

3)    Argument = données scientifiques : elles servent à prouver l’existence d’un fait, la validité d’une idée (puisque la terre tourne autour du soleil...).

 

4)    Argument = données historiques ou existence prouvée de certains faits : c’est le fait de prouver par des faits réels. Certains pensent qu’un fait historique serait riche de leçons (ainsi l’impact de philosophes comme VOLTAIRE ou ROUSSEAU sur la révolution française pourrait prouver que la littérature a obligatoirement une influence sur les événements politiques d’un pays ).

 

5)    Argument = données numériques : les chiffres sont en général des preuves irréfutables, à condition que vous puissiez citer vos sources !

 

6)    Argument = élimination des autres possibilités : il suffit d’envisager d’autres solutions ou d’autres arguments et de prouver, selon les schémas précédents, qu’ils sont impossibles. On en revient donc à la première possibilité qui est acceptée « sine qua non ».

 

Tous ces arguments sont combinables et vous permettent de convaincre le lecteur grâce à votre logique. Si vous souhaitez en plus le persuader, il faudra valoriser vos arguments et impliquer le lecteur dans votre texte.

 

 

 

2.Voici une liste des modes d’implication du lecteur dans votre texte

 

 

1)    Vous pouvez prendre le lecteur à témoin par des questions, des impératifs, l’emploi de la 2ème personne du singulier etc.

 

2)    Vous pouvez aussi agir sur les forces psychiques qui poussent quelqu’un à agir ou qui déterminent des comportements inconscients (c’est un des ressorts de la publicité).

 

3)    Vous pouvez aussi maintenir l’attention de votre lecteur en hiérarchisant vos arguments du moins intéressant au plus intéressant.

4)    Vous devez illustrer chaque argument par un exemple précis pris dans l’actualité, la littérature ou autre exemple irréfutable (évitez absolument les exemples tirés de votre vie privée qui ne sont que des exemples occasionnels sans aucune valeur générale).

 

5)    Vous pouvez enfin appuyer vos dires par des figures de style marquantes et efficaces : répétitions, accumulations, gradations etc.

 

 

 

3. Exercices auto-corrigés

 

 

Exercice n° 1

 

1)    Dans cette lettre de rappel, comment le destinataire est-il impliqué ?

2)    A quels arguments l’auteur de cette lettre fait-il appel ?

3)    Certains arguments irrationnels sont présents. Lesquels ?

 

 

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Exercice n° 2

 

Lisez attentivement cette fable de La FONTAINE et expliquez quel type d’argumentation l’auteur utilise pour convaincre le lecteur :

 

                               «  - Sire, dit le renard, vous êtres trop bon roi ;

                               Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;

                               Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,

                               Est-ce un péché ? Non, non ! Vous leur fîtes, Seigneur,

                                               En les croquant, beaucoup d’honneur.

                                               Et quant au berger, l’on peut dire

                                               Qu’il était digne de tous maux,

                               Etant de ces gens-là, qui sur les animaux,

                                               Se font un chimérique empire.

                               Ainsi dit le renard, et flatteurs d’applaudir.

Extrait des Animaux malades de la peste


 

4. Corrigés des exercices

 

 

 Exercice n° 1

 

1)    Le destinataire est impliqué par l’emploi direct de l’impératif « N’attendez plus » et par un argument qui le culpabilise en insistant sur ses torts : il est absorbé et trop sollicité.

Puis la lettre sous-entend que c’est uniquement pour le destinataire que ce magazine est fait et joue encore sur la culpabilité de celui-ci en prétendant que ce travail est difficile puisqu’il demande plusieurs mois.

L’emploi récurrent du pronom personnel vous est significatif de ce désir d’impliquer le destinataire : cette 2ème personne est utilisée dix fois (pronom personnel, adjectif possessif, tournure verbale) dans une courte lettre.

Le point d’exclamation à la fin de la première phrase est aussi une façon de faire réagir le lecteur car ce point sous-entend une certaine critique de la part de l’auteur de la lettre, et cette critique met le lecteur dans une situation d’infériorité comme s’il avait commis une faute.

 

2)    - La lettre sous-entend que ce défaut d’abonnement ne serait qu’un oubli et non une volonté délibérée du destinataire.

-  Puis l’auteur du magazine joue sur un ressort psychologique en prétextant que le réabonnement permettra de profiter de certains avantages.

- Enfin le texte énumère une liste d’articles qui sont attirants et surtout qui balaient à peu près tous les centres d’intérêt du français moyen. Cette liste est donc capable de plaire au public le plus varié : famille, argent, assurances, liberté… Ce sont donc des exemples qui ont ici valeur d’arguments !

 

3)    La longue liste qui énumère tous les numéros que l’auteur recevra est intéressante car, en fait, l’auteur de la lettre espère que c’est la longueur même de cette liste qui servira d’argument, étant donné que ces chiffres en eux-mêmes ne signifient strictement rien et ne présentent pas d’autre intérêt que de remplir du « blanc ».

 

Cette lettre est très intéressante d’un point de vue « marketing » car elle propose une gamme de plusieurs modes de manipulation du consommateur !

 

 

 Exercice n° 2 

 

D’abord un bref rappel sur La FONTAINE qui écrivit ses fables au XVIIème siècle, alors que Louis XIV détenait le pouvoir absolu. Il prit modèle sur le penseur grec ESOPE qui avait écrit lui aussi des fables dans lesquelles il travestissait les défauts des hommes sous des caricatures d’animaux.

Dans cette longue fable, les animaux sont atteints par la peste et pensent que c’est un châtiment de Dieu pour les péchés qu’ils ont commis. Ils décident donc d’avouer tour à tour leurs fautes afin de juger qui est le plus coupable et de le condamner pour expier leurs fautes aux yeux de Dieu, espérant ainsi mettre fin au fléau. Le Lion, qui est le symbole du roi, avoue donc avoir mangé des moutons et même parfois le berger et voilà le discours du renard, vil flatteur, comme toujours. (Tous les animaux avouent ensuite leurs fautes : on écoute rapidement le Tigre, l’Ours et les autres puissances, mais aucun n'est vraiment reconnu coupable car ils sont protégés par leur pouvoir. S’avance alors l’âne qui reconnaît avoir parfois «  tondu un pré qui ne lui appartenait pas de la largeur de sa langue ». Aussitôt tout le monde l’accable et il est condamné à mort. Morale de la fable :

                «  Selon que vous serez puissant ou misérable,

                Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »)

 

Etude des arguments employés par le Renard pour trouver des excuses au Lion :

 

1)    D’abord rappel de la situation de celui qui s’accuse ainsi : ce n’est pas n’importe qui, c’est le roi et, en réalité, c’est ici l’argument essentiel de la défense menée par le renard !

 

2)    De plus, c’est une faute bénigne que le Lion a commise car ceux qu’il avoue avoir mangés sont de situation sociale si basse que ce n’est pas péché de les manger. Notons la faiblesse d’un tel argument qui ne s’appuie que sur la conviction de quelques-uns.

3)    Quant au berger que le lion a mangé, il méritait en fait son sort puisque, dans le monde des animaux, il n’est qu’un vil gardien. Vous remarquerez l’art de La FONTAINE qui montre volontairement le peu de valeur de ces arguments en escamotant toute discussion par la rapide prise de position de la foule qui ne cherche pas à être convaincue par des arguments logiques mais qui est déjà persuadée que le lion ne peut être inculpé avant même le discours du renard !

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LEÇON 5 : LES FORMES DE RAISONNEMENT

 

CONTREDIRE ET REFUTER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


On peut être amené à contredire ou à réfuter une thèse défendue par l’auteur. La réfutation exige :

 

 

 

  1. de rejeter les arguments de l’adversaire en montrant leur faiblesse logique

  2. de trouver des contre-arguments et des contre-exemples à la thèse de l’auteur.

 

 

 

 

 

               

 

1. Rejeter les arguments de l’auteur

 

 

 

 

 

  1. Vous pouvez prouver que l’auteur a tort en démontrant par exemple que son argumentation est fondée sur une réflexion erronée.

 

Ainsi l’auteur peut avoir organisé toute son argumentation autour d’une analogie qui n’a pas lieu d’être faite. Une analogie est la mise en relation de deux arguments qui appartiennent à des domaines différents, mais font penser l’un à l’autre parce que leur déroulement ou leur aspect présente des similitudes. Le raisonnement par analogie est à la recherche d’une conclusion à partir de cette mise en relation. Si vous pouvez prouver que cette mise en relation n’a pas lieu d’être faite, vous détruisez alors toute l’argumentation de l’auteur, qui ne repose plus sur aucune base.

 

Dans le raisonnement par analogie, l’auteur utilise une comparaison entre deux arguments. Or, pour qu’une comparaison soit pertinente, il faut nécessairement qu’il y ait un point commun entre les deux arguments. Si ce point commun est absent, l’analogie n’est pas valable. Par exemple, lisez l’analogie suivante :

 

« Le despote exige une obéissance immédiate comme une boule de neige jetée contre une autre a un effet mécanique »

 

Pour détruire cette argumentation, il suffit de prouver l’absence de point commun entre une boule de neige et un despote !

 

 

 

  1. Vous pouvez prouver que l’auteur a tort en démontrant l’absurde de son raisonnement. Certaines réflexions sont fondées sur un syllogisme c’est-à-dire un raisonnement qui consiste à tirer une conclusion à partir de deux propositions que l’on appelle les prémisses  (ne confondez pas avec l’homonyme prémices !).

     

    Voici un exemple de syllogisme logique :

     

 

  • Tous les hommes sont mortels (prémisse majeure évidemment constatée et irréfutable)

  • Or Socrate est mortel (prémisse mineure corroborée par les faits historiques)

  • Donc Socrate est un homme (conclusion acceptée).

 

 

 

Les syllogismes, pour être justes, obéissent à des règles rigoureuses étudiées depuis l’antiquité par des philosophes comme Aristote.

 

 

 

Toutefois il existe, en parallèle avec les syllogismes, des sophismes qui présentent toutes les qualités apparentes d’un raisonnement rigoureux, mais qui en fait ne sont pas justes.

 

 

 

Voici un exemple de sophisme absurde :

 

 

 

  • Tous les chats sont mortels (prémisse majeure irréfutable)

  • Or Socrate est mortel (prémisse mineure toujours aussi irréfutable)

  • Donc Socrate est un chat !!!

     

    Pour réfuter cette théorie, absurde dans la réalité, mais mathématiquement vraie, que faire ?? Le raisonnement est sans faille, la majeure et la mineure sont vraies. A vous, qui êtes des mathématiciens de haut niveau,  je demande une explication, mais sachez que depuis Socrate, on cherche !

     

     

     

     

 

2. Trouver contre-arguments ou contre-exemples

 

 

 

 

 

Dans certains cas, ce n’est pas le raisonnement même de l’auteur qui peut être « attaqué », mais les exemples grâce auxquels il sous-tend sa réflexion. Si vous pouvez détruire les exemples, vous pouvez détruire toute l’argumentation, puisqu’une argumentation n’est valable que si elle est ancrée dans des faits ou événements concrets et réels.

 

               

 

Par exemple, dans une réflexion qui poserait le problème de la législation ou non de la drogue, un auteur pourrait prendre comme exemple le fait que la législation aux Pays-Bas a permis une baisse de l’utilisation de la drogue. Mais un lecteur attentif pourrait rétorquer que, dans la même situation de libéralisation des drogues, les chiffres pour l’Espagne prouvent exactement le contraire : depuis cette légalisation, le taux de toxicomanes reconnus en Espagne a augmenté. Encore une fois, c’est votre culture générale et votre connaissance du monde actuel qui vous permettent un tel contre-exemple.

 

 

 

 

 

 

 

3. Exercices auto-corrigés

 

 

 

 

 

Exercice n° 1

 

 

 

Expliquez pourquoi le raisonnement suivant est faux :

 

 

 

                « Tous les chiens sont mortels

 

                   Mais les hommes ne sont pas des chiens

 

                   Donc ils sont immortels ! »

 

 

 

 

 

Exercice n° 2

 

 

 

Rédigez un texte d’une vingtaine de lignes dans lequel vous contesterez le raisonnement de RICHELIEU.

 

               

 

Voici quelques pistes de méthodes :

 

 

 

  • réfuter les déductions abusives

  • faire appel aux données scientifiques actuelles  (nature / culture ; inné / acquis)                              

  • faire appel à des valeurs supérieures.

 

 

 

Texte :

 

 

 

«  Tous les politiques sont d’accord que si les peuples étaient trop à leur aise, il serait impossible de les contenir dans les règles de leur devoir. Leur fondement est, qu’ayant moins de connaissances que les autres ordres de l’état beaucoup plus cultivés et plus instruits, s’ils n’étaient retenus par quelque nécessité, ils demeureraient difficilement dans les règles qui leur sont prescrites par la raison et les lois.

 

La raison ne permet pas de les exempter de toutes charges ; parce qu’en perdant en tel cas la marque de leur sujétion, ils perdraient aussi la mémoire de leur condition, et que s’ils étaient libres de tribut, ils penseraient l’être de l’obéissance. Il les faut comparer aux mulets qui, étant accoutumés à la charge, se gâtent par un long repos plus que par le travail. Mais, ainsi que ce travail doit être modéré, et qu’il faut que la charge de ces animaux soit proportionnée à leurs forces, il en est de même des subsides à l’égard des peuples ; s’ils n’étaient modérés, lors même qu’ils seraient utiles au public, ils ne laisseraient pas d’être injustes.

 

 

 

Richelieu, Testament Politique, 1642

 

4. Corrigés des exercices

 

 

 

 

 

 Exercice n° 1  

 

 

 

Ce texte est un sophisme qui présente toutes les apparences de la logique, mais qui aboutit dans sa conclusion à une absurdité évidente pour tous. La seule façon de prouver l’absurdité de ce raisonnement est de démonter l’apparente analogie entre hommes et chiens ! Il n’y a aucun point commun précis qui permette de faire cette comparaison, qui n’est donc fondée sur rien de réellement prouvé. De plus, les mathématiciens que vous êtes travailleront peut-être par le système des ensembles qui fait que l’on ne peut pas inclure hommes et chiens.

 

Cependant ce raisonnement est déroutant dans la mesure où il remet en question toute notre foi en la logique et notre espérance dans la réflexion dite « scientifique » qui nous permettrait d’accéder à la vérité !

 

 

 

 

 

 Exercice n° 2

 

 

 

  1. Tout d’abord ce texte se fonde sur un postulat, donc sur un argument qui n’a pas été prouvé :

 

      - Tous les politiques sont d’accord...

 

      - La raison ne permet pas de... (mais aucun argument ne prouve cela).

 

 

 

  1. RICHELIEU s’adresse à des gens qui sont convaincus que les gens du peuple sont incultes et incapables d’une réflexion logique. Donc ce texte est ancré dans l’idéologie du XVIIème siècle (RICHELIEU a vécu de 1585 à 1642). Son argumentation repose donc sur une donnée socioculturelle particulière qui peut être aujourd’hui dénoncée. Nous savons maintenant, surtout après les travaux de FREUD, que l’être humain n’est que ce que la société fait de lui, alors que RICHELIEU semble croire que l’homme est par nature inculte et inapte à la réflexion. Nous en profiterons ici pour rappeler les études de Simone de BEAUVOIR, la compagne de Jean Paul SARTRE, sur l’importance de l’acquis par rapport à l’inné (« on ne naît pas femme, on le devient » affirme-t-elle dans le Deuxième Sexe en 1949).

 

 

 

  1. Nous pourrions ici détruire cette argumentation en rappelant  que «  les hommes naissent libres et égaux en droits ». Mais il faut remarquer que, pour réfuter la thèse de RICHELIEU, nous sommes amenés à trouver les contre-arguments dans le monde moderne. Avait-il raison à son époque ? Je laisse aux historiens le soin de répondre...